L'intelligence artificielle (IA) poursuit son déploiement dans de nombreux secteurs, et la restauration collective n'échappe pas au phénomène. Ses promesses sont nombreuses : efficacité, réduction du gaspillage, anticipation des besoins. En parallèle, ses effets sur l'emploi et les conditions de travail sont réels et doivent être anticipés. Pour la CFE-CGC, cette transition technologique doit s'accompagner d'un dialogue social renforcé, et les représentants du personnel doivent disposer des outils nécessaires pour agir.

 

Déqualification ou montée en compétences : deux avenirs possibles pour les salariés

L'arrivée de l'IA dans les cuisines, les systèmes de commande ou de gestion logistique transforment profondément les postes de travail. En tant qu'élus, nous constatons au quotidien deux réalités :

  • Certains salariés voient leur métier se déqualifier : de plus en plus de tâches sont désormais automatisées, réduisant leur périmètre d'action et parfois leur utilité perçue. Une situation assez violente et déstabilisante pour nos collègues.
  • D'autres accèdent à une montée en compétences, par exemple pour superviser les algorithmes, interpréter leurs résultats ou coordonner les outils numériques.

Cette transformation n'est pas toujours synonyme de progrès puisque plusieurs plans sociaux récents ont été justifiés par des gains de productivité liés à l'implémentation de l'IA. Pour la CFE-CGC, il est impératif que l'humain reste au cœur des décisions, et que les salariés bénéficient d'un accompagnement réel face à l'essor de cette évolution technologique.

 

Un rapport national pour encadrer l'usage de l'IA en entreprise

En août 2023, la Première ministre Élisabeth Borne a lancé une commission nationale sur l'intelligence artificielle. Le 13 mars 2024, cette instance a remis un rapport contenant 25 recommandations, dont deux retiennent particulièrement l'attention des élus du personnel :

  • La négociation d'un accord national interprofessionnel (ANI) sur l'IA, afin d'en encadrer les usages.
  • Une évolution du Code du travail, pour contraindre les entreprises à consulter le CSE en cas de déploiement de l'IA.

Le rapport souligne que l'IA est trop souvent présentée comme un sujet strictement technique, écartant de fait les représentants du personnel de discussions essentielles. Or, comme le rappelle la commission, le dialogue social doit devenir un outil de co-construction des usages et de régulations des systèmes d'IA.

 

Le rôle du CSE : informer, anticiper, protéger

Le Code du travail (article L.2312-8) impose à l'employeur de consulter le CSE avant toute introduction de nouvelles technologies. Cela inclut les outils d'IA. Ce devoir d'information et de consultation permet aux élus :

  • d'évaluer les conséquences du projet sur l'emploi, la charge de travail, les conditions de santé et de sécurité.
  • de recourir à un expert habilité, en cas de doute ou de transformation significative.

Cette possibilité a été confirmée par une décision du Tribunal judiciaire de Pontoise (15 avril 2022) : l'introduction d'un logiciel d'IA peut à elle seule justifier une expertise, sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'existence de répercussions sur les conditions de travail des salariés.

À quels moments parler d'IA dans les consultations annuelles en entreprise ?

Le CSE dispose également de trois consultations récurrentes au cours desquelles il peut (et doit !) aborder la question de l'intelligence artificielle :

  1. Consultation sur les orientations stratégiques : questionner les projets d'investissements liés à l'IA, les objectifs de transformation numérique de l'entreprise.
  2. Consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi : interroger sur les formations prévues, les salariés concernés, les impacts RH.
  3. Consultation sur la situation économique et financière : examiner les coûts, les choix de prestataires IA, la rentabilité attendue.

Ces moments sont l'occasion pour les élus de poser les bonnes questions, de demander des documents, d'exiger la transparence. Mais pour cela, il faut aussi que les élus soient formés et sensibilisés aux enjeux de ces outils.

 

Un cadre européen en cours d'harmonisation

Le Conseil de l'Europe a adopté le 17 mai 2024 un traité international sur l'IA, et les États membres de l'Union européenne ont validé, le 21 mai 2024, un règlement sur l'intelligence artificielle. Ces textes fixent un cadre ambitieux :

  • Interdire certaines pratiques à haut risque.
  • Garantir les droits fondamentaux des salariés (transparence, non-discrimination).
  • Imposer des mécanismes de sécurité renforcés.
  • Harmoniser les obligations pour les entreprises utilisant l'IA.

Là encore, les élus du CSE doivent connaître ces normes pour défendre les droits des équipes et veiller à leur application concrète sur le terrain.

 

La CFE-CGC, favorable à un dialogue social à la hauteur des enjeux

Le déploiement de l'intelligence artificielle dans la restauration collective n'est pas une fatalité technocratique. Il doit être une transition négociée, encadrée, anticipée. Le rôle du CSE est central dans cette démarche : informer, alerter, protéger, proposer.

À la CFE-CGC, nous nous engageons à accompagner nos élus pour que l'IA soit un outil au service du progrès collectif, et non une menace pour les plus fragiles. C'est d'ailleurs le sujet du rapport SeCoIA Deal « SErvir la COnfiance dans l'Intelligence Artificielle par le Dialogue » publié en mai 2025, sur les enjeux et défis du développement de l'intelligence artificielle.

Lire le rapport : https://www.cfecgc.org/publications/nos-guides/secoia-deal-servir-la-confiance-dans-lintelligence-artificielle-par-le-dialogue